L’autre moitié du soleil / Chimamanda Ngozi Adichie

Un roman riche, passionnant et déchirant qui nous mène dans le Nigeria des années 1960.

l'autre moitié du soleil.png

2

Nigeria, années 1960. Ugwu, un jeune homme pauvre devient l’employé de maison d’un mathématicien à tendance révolutionnaire, Odenigbo. Ce dernier est en couple avec Olanna, une universitaire, fille chérie d’un businessman fortuné. Olanna a également une sœur jumelle, Kainene, plus indépendante, plus rude, qui, comme son père, s’intéresse aux affaires. Lors d’une soirée Kainene rencontre Richard, un journaliste britannique qui s’intéresse à l’art igbo. Cinq destins qui vont être bouleversés par la guerre civile qui va déchirer le Nigeria: la guerre du Biafra.

1

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, «L’autre moitié du soleil» est un véritable coup de cœur, un des meilleurs livres que j’ai lu cette année! Par contre, il faut quand même avoir le cœur bien accroché, car ce dernier raconte la guerre du Biafra, une guerre civile qui, en plus des atrocités «habituelles» de la guerre (exécutions, viols, conscriptions forcées) va provoquer la mort de 600’000 à 1’000’000 de personnes, notamment en raison de la faim.

C’est un roman qui, malgré sa dureté, mérite d’être lu par tous.tes. «L’autre moitié du soleil» montre la complexité d’un pays comme le Nigeria, très divers, avec près de 250 ethnies présentes et un conflit entre chrétiens et musulmans. Il aborde également l’influence des relations internationales sur un conflit national. Effectivement, si la guerre du Biafra est due à des tensions préexistantes dans le pays, sa gravité est également attribuable à l’instrumentalisation de ces conflits internes par les pays occidentaux (notamment le Royaume-Uni).

Mais, surtout, c’est un point de vue africain sur le conflit. Une vision nuancée, qui raconte l’ignominie, mais sans misérabilisme. L’autrice réussit ce tour de force en racontant le conflit au travers du regard de personnages auxquels le/la lecteur.trice européen.ne peut totalement s’identifier et compatir. Ce sont des hommes et des femmes qui ont une vie proche de celles que nous avons, voire qui sont bien plus favorisés que le quidam moyen en Europe. On peut trouver immoral que l’on n’arrive à s’identifier qu’à ceux qui nous ressemblent, mais c’est un phénomène très étudié par la psychologie sociale et une réalité à laquelle on peut difficilement échapper.

On se sent également très proche des personnages, car le roman n’aborde pas qu’une situation de conflit temporellement et géographiquement située. C’est une oeuvre qui traite du rapport tendu entre deux sœurs jumelles qui ne se ressemblent pas, de la place des femmes dans la société et de leurs rapports aux hommes, de la confrontation des idéaux à la réalité, des rapports de classe sociale entre Nigérians, des rapports de domination entre les Blancs et les Noirs, ainsi que l’effet du conflit sur la santé mentale. Et je pourrais encore continuer longtemps tellement le roman est riche.

De plus, la forme du roman est ingénieuse puisqu’il est divisé en quatre parties qui ne se suivent pas chronologiquement. Cela permet de provoquer un choc chez le lecteur qui passe d’une époque paisible et plutôt heureuse à un Nigeria en pleine guerre. A noter que j’ai lu le roman en anglais. Pour ceux et celles qui aimeraient faire pareil, sachez que l’écriture de Chimamanda Ngozi Adichie est relativement accessible en terme de vocabulaire, mais cela reste assez touffu.

En résumé, une oeuvre marquante qui aborde à la fois les aspects intimes et collectifs d’une guerre civile. Déchirant, mais passionnant!

Chimamanda Ngozi Adichie, «L’autre moitié du soleil» (titre original anglais: «Half of a Yellow Sun»), chez Gallimard et chez Folio (chez 4th Estate dans la version anglaise), 2008. 

2 réflexions sur “L’autre moitié du soleil / Chimamanda Ngozi Adichie

Laisser un commentaire