La Familia grande / Camille Kouchner

Camille Kouchner naît à Paris, en 1975, dans une famille d’intellectuel.le.s de gauche. Son père est un homme politique; sa mère, politologue et écrivaine. Camille grandit dans un contexte de grande liberté et d’indépendance, entourée de sa tante et des nombreux amis de la famille. Mais, ses parents finissent par divorcer, et sa mère retrouve l’amour auprès d’Olivier, qui devient le beau père de Camille et de ses deux frères. Mais, sous l’apparent bonheur se cache la négligence, la dépression, l’emprise et surtout les abus.

« La Familia grande » marque le début de mes lectures de l’année 2024, et ce livre s’est imposé dès les premières pages comme une œuvre frappante. Il est peu probable que vous soyez passé à côté de la polémique entourant la sortie du livre de Camille Kouchner. En effet, l’ouvrage met en lumière des personnalités bien connues de la scène intellectuelle et artistique parisienne : Bernard Kouchner, Évelyne Pisier, Marie-France Pisier, Olivier Duhamel.

Camille Kouchner y raconte les abus de son beau-père, Olivier Duhamel, sur Victor, son frère jumeau. Mais, elle y fait également le portrait d’une classe sociale pétrie d’incohérences. La famille Kouchner-Pisier-Duhamel se veut anticonformiste, anti-valeurs bourgeoises, libre et savante. Mais, quand on gratte la dorure, on voit ce qui s’y cache : des individus déconnectés de la réalité qui vivent entre leurs appartements parisiens et la belle demeure d’été dans le Sud, dont l’éducation très libertaire confine à la négligence envers les enfants, qui vouent un culte à la libération sexuelle sans se soucier du consentement, qui encouragent les relations ambiguës entre les adolescents et les adultes et où les non-dits sont rois.

L’autrice raconte la douleur de la trahison d’un beau-père qu’elle aimait tant et qui l’a enfermée dans le secret de famille, la culpabilité de n’avoir pas dénoncé les abus que subissait son frère, et la colère face à une mère qui, même quand elle a su, a rejeté la faute sur ses enfants.

« Je n’ai pas protégé mon frère, mais moi aussi j’ai été agressée. Je ne l’ai compris qu’il y a peu : notre beau-père a aussi fait de moi sa victime. Mon beau-père a fait de moi sa prisonnière. Je suis aussi l’une de ses victimes. Victime de la perversité. Pervertie, mais pas perverse, maman. Où étiez-vous ? Que faisiez-vous quand sous vos yeux nous sombrions ? Vous que j’aimais tant… qu’avez-vous fait depuis que vous savez ? »

C’est un livre percutant, magistralement rédigé. Il explore avec une finesse le tourment vécu par ceux qui sont des victimes par procuration, tout en offrant une analyse quasi-sociologique de l’évolution familiale, qui passe de la gauche marxiste à la gauche caviar, au fil des années.

En résumé, un témoignage douloureux de l’inceste, écrit avec un coeur ouvert et un regard acéré.

Camille Kouchner, « La Familia grande », chez les Éditions du Seuil, 2021.

2 réflexions sur “La Familia grande / Camille Kouchner

  1. Merci. Je ne laisse plus souvent de commentaire et ce n’est pas bien car je continue de lire toutes vos revues. Bonne année et bonnes lectures !

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