Islande, dans les fjords de l’ouest, 2020. Devant une église, un homme erre entre les tombes sans savoir comment il est arrivé là, ni pourquoi. La fille d’une défunte lui propose de l’amener chez sa soeur qui tient le seul hôtel des environs. L’homme se rend alors compte qu’il est amnésique: tout le monde semble le connaître, mais lui n’a aucune souvenir ni de Soley, la propriétaire de l’hôtel, ni de sa soeur Runa, ou encore d’Aldis, leur mère. Écoutant les récits de tout ce petit monde, il écrit sur des feuilles volantes l’histoire des ancêtres de Soley et de Runa, remontant jusqu’au 19ème siècle.
« Ton absence n’est que ténèbres » de Jón Kalman Stefánsson est de la trempe des romans plus que déroutants. J’ai passé les premières 200 pages à me demander : « Qu’est-ce que c’est que ce truc qui part dans tous les sens ? ». Imaginez, un roman avec un narrateur anonyme, qui lui-même ne sait plus qui il est, qui va vous raconter de manière non-chronologique l’histoire des ancêtres des hommes et des femmes qu’il croise dans son errance (et n’imaginez pas avoir un arbre généalogique). Le tout parsemé de références, de réflexions philosophiques et de musique. J’avais au moins un avantage : la connaissance des lieux. Effectivement, j’ai eu la chance d’aller en Islande et précisément dans les fjords de l’ouest. Cela faisait déjà cela de pris dans ce roman-puzzle.
Mais au fil des pages, le roman a commencé à m’accrocher, à me toucher. À travers de personnages comme Aldis, la citadine qui s’éprend au premier regard d’Haraldur l’agriculteur ; de Pétur le pasteur marié qui tombe amoureux d’une paysanne surdouée ; de Jon, le père aimant mais alcoolique ; d’Eirikur, le musicien talentueux mais hanté par son enfance… C’est un roman qui contient de grands élans de vie et d’amour, qui s’ils n’empêchent pas la mort de frapper, assurent la continuité. Il décrit aussi magnifiquement la vie des Islandais.es à travers le temps.
En résumé, un roman indubitablement exigeant, qui plaira aux apprentis philosophes, aux amoureux de l’Islande et aux personnes pas trop à cheval sur la chronologie….
Jón Kalman Stefánsson, « Ton absence n’est que ténèbres » (titre original islandais: Fjarvera þín er myrkur), chez Grasset et Folio, 2022.
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